Santa Eulalia fête les dix ans de la consulta de Buena Fe

Le 29 août 2006, la municipalité de Santa Eulalia, dans le Nord du Guatemala, organisait la première consultation communautaire afin de se prononcer sur l’exploitation de son territoire. Dix ans plus tard,  un large public était réuni pour célébrer le dixième anniversaire de la consultation dans un contexte de criminalisation et de persécution des autorités ancestrales et des défenseur-e-s de l’environnement.

Il y a tout juste dix ans, douze communautés avaient participé à la première consultation communautaire de Santa Eulalia, une municipalité dans le département de Huehuetenango1. Ce droit à la consultation dérive du droit fondamental des peuples autochtones à l’autodétermination. Il implique que les peuples puissent décider par eux-mêmes de ce qui se déroule sur leur territoire et que les communautés donnent leur consentement préalable libre et éclairé dans le cadre de décisions qui ont un impact sur leur vie quotidienne, telle que par exemple l’implantation de projets extractifs.

En 2006, les communautés se sont opposées à tout développement de projet extractif sur leur territoire. Pourtant, quatre ans plus tard, l’entreprise Cinco M s’est installée dans la finca San Luis, située sur leurs terres. Le projet hydroélectrique a été implanté à l’encontre de la volonté des populations locales avec une licence d’exploitation contenant de nombreuses irrégularités.2 Malheureusement, ce non-respect des procédures et des droits des populations locales par les entreprises est une pratique régulière dans le pays.

Le 29 août 2016, les membres de la communauté étaient venu écouter les discours de plusieurs représentants communautaires comme celui de Rigoberto Juarez, autorité ancestrale q’anjob’al de Santa Eulalia , défenseur du territoire et représentant du gouvernement plurinational. Au total, les représentants de sept municipalités ont fait le déplacement. Quatre représentants du Haut Commissariat des Nations Unies avaient également fait le déplacement.

En l’espace de dix ans, bien des choses ont changé. Daniel Pedro Mateo, membre actif du mouvement social local, n’est aujourd’hui plus là pour célébrer cet anniversaire. Il avait participé à l’organisation de cette consultation en 2006 avec Rigoberto Juarez et Domingo Baltazar. Il a disparu en 2013, peu après l’arrivée de l’entreprise Cinco M, son corps a été retrouvé une semaine plus tard, difficilement reconnaissable à cause des tortures subies.

Les deux autres autorités ancestrales qui ont contribué au succès de la consultation communautaire de 2006, Rigoberto Juarez et Domingo Balthasar, viennent juste d’être remis en liberté. Ils ont été emprisonnés pendant plus d’un an dans le centre de détention préventive de la capitale pour s’être opposés pacifiquement à l’implantation de l’entreprise Hidro Santa Cruz dans la municipalité de Barillas, dans le département de Huehuetenango. Leur long procès s’est, à la surprise générale, soldé par une remise en liberté ( Lire l’article de notre accompagnateur Oscar Rodriguez présent lors du procès). Mais malgré leur libération, la persécution à leur encontre continue. Le ministère public a fait appel contre la décision qui a ordonné leur libération et demande qu’ils soient condamnés à 16 ans de prison pour détention illégale. Deux autres cas sont actuellement ouverts à l’encontre de Rigoberto Juarez pour des faits semblables.

Le cas de Santa Eulalia n’est pas un cas isolé. La criminalisation des défenseurs du territoire est un phénomène récurrent, comme le souligne le récent rapport d’Amnesty International sur le Guatemala et le Honduras. Dans l’entier du pays, les autorités communautaires sont persécutées en raison de leur engagement pour défendre leur territoire et pour défendre leurs droits individuels et collectifs. Dans le seul département de Huehuetenango,  plus de septante ordres de captures sont en vigueur, tous dirigés à l’encontre de défenseurs du territoire. Cette persécution est faite dans une impunité totale, les ordres de captures sont ordonnés sans fondement et pour des crimes très graves afin de justifier un emprisonnement préventif. Aucune enquête effective n’est menée par le Ministère Public ou par le gouvernement guatémaltèque et il n’est pas donné suite aux agressions physiques et à la persécution juridique dont sont victimes les défenseurs du territoire.

C’est le cas de Rigoberto Juarez ou de Saul et Rogelio, tous deux emprisonnés pour raisons politiques dans le nord de Huehuetenango, c’est le cas de Daniel Mateo Pedro, assassiné pour son investissement en tant que défenseur du territoire, c’est le cas de Berta Caceres au Honduras, autorité indigène reconnue assassinée dans sa maison en mars de cette année. C’est le cas de centaines d’autres défenseurs des droits de l’homme au Guatemala, au Honduras, en Colombie et dans toute l’Amérique latine, des pays riches en matière première où l’Etat privilégie une politique économique libérale plutôt que l’intérêt de la population qui vit pour la majorité dans une situation de pauvreté extrême.

Photo : anniversaire de la consultation dans le Salon Municipal de Santa Eulalia, le 29 août 2016.

Leila, Guatemala, 9.9.2016

2 expertise de l’anthropologue Santiago Bastos dans le cadre des audiences à l’encontre des ex-prisonniers de Barillas

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