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GUATEMALA. La police, sans compter l’armée, est la principale force étatique à qui est octroyée le monopole de l’utilisation de la violence. Le concept de violence est relativement large et comprend aussi bien la force physique que la surveillance, la répression et le maintien d’une sorte d’organisation sociale. Un tel concept se manifeste de différentes manières selon les circonstances et les acteurs impliqués. Cependant, cet usage de la violence trouve ses racines dans la structure même de l’Etat et de la société : c’est pourquoi il est nécessaire de l’analyser comme faisant partie d’un système qui la produit et en a besoin.
Au Guatemala, les forces armées étatiques ont toujours eu un rôle bien précis dans la répartition du pouvoir politique et dans le maintien de la structure sociale pyramidale : le résultat le plus visible aujourd’hui est celui d’une société construite autour d’une forte violence structurelle qui dès la conquête a généré un haut niveau de discrimination, d’exclusion et d’injustice. Cette même violence structurelle a produit et continue de produire beaucoup de cas de violations de droits humains, lesquelles se sont transformées en de véritables massacres, particulièrement sous la présidence du général Ríos Montt. Le cas le plus emblématique est celui de la politique de la « terre brûlée » qui consistait en l’élimination physique de l’ensemble de communautés indigènes. Cette politique se termina par le génocide de la population Maya Ixil.
Aujourd’hui, la violence et les abus commis par la police sont toujours dirigés contre une partie bien précise du peuple guatémaltèque : les pauvres, les émigrants, les peuples indigènes, les défenseur-e-s de la terre, du territoire et des droits humains, ainsi que ceux et celles qui questionnent la structure de l’Etat et sa corruption.
Parmi les manifestations de violence perpétrées par la police ces derniers temps, les expulsions et déplacements forcés ont pris de l’importance dû aux abus commis et aux signes de racisme, discrimination et répression de la protestation sociale.
Uniquement durant cette dernière année, il y a eu plusieurs épisodes de violence policière contre des populations – principalement indigènes – qui s’étaient organisées en résistance contre des propriétaires terriens ou des entreprises multimillionnaires dont l’objectif est l’exploitation de leurs terres. Ces mêmes entreprises et propriétaires terriens n’ont pas hésité à avoir recours aux forces étatiques, en particulier à la Police National Civile (PNC), pour se débarrasser du problème.
En 2017, il y a eu 10 expulsions forcées exécutées par la PNC, dans certains cas en collaboration avec l’armée. Voici une systématisation des expulsions pour l’année 2017 (de janvier à novembre)[1] :
Expulsions 2017
Un exemple de la violence utilisée par la police contre les populations indigène et métisse est le rôle qu’a joué la PNC dans les conflits sociaux en lien avec l’industrie minière dans le pays. Dans le cas de la résistance de la population de Santa Rosa et Jalapa (deux départements dans le sud-est du Guatemala), en lutte contre l’entreprise Minera San Rafael (Minière San Rafael) depuis son installation dans le territoire – subsidiaire de l’entreprise américano-canadienne Tahoe Resources Inc. –, la PNC a assumé un rôle de première importance et est responsable de graves violations contre les droits humains.
En 2013, lorsque l’entreprise a reçu la licence d’exploitation, une grande manifestation s’est organisée en face des installations de la mine (appelée Escobal) : pendant la manifestation, qui comptait avec une présence policière postée en face de la mine, le chef de sécurité de l’entreprise Alberto Rotondo est sorti de la propriété et a commencé à tirer avec une arme à feu sur les manifestants, blessant sept personnes, dont deux gravement. La police était présente mais ne l’a pourtant pas arrêté : des doutes persistent encore quant à sa connaissance anticipée de cette violente réaction. Ces doutes augmentent considérant le fait qu’après avoir été capturé, Alberto Rotondo a réussi à s’enfuir avec l’aide de six policiers. Le 1er juin 2017 une sentence est émise à l’encontre de ces agents. Ces faits ne semblent pas être des faits individuels, mais faisant partie d’une structure, d’un système de collaboration entre le secteur privé et les forces de sécurité.
Le 6 juin 2017, dans le but de dénoncer les violations commises par la police et pour défendre leurs droits humains et environnementaux, la population en résistance s’est installée en sit-in pacifique sur la route menant à la mine à Casillas, Santa Rosa. Le 22 juin, une sentence est émise par la Cour Suprême de Justice ordonnant la suspension temporaire de la mine.

Présence de la Police Nationale Civile guatémaltèque (PNC) en face du sit-in à Casillas, département de Santa Rosa, le 6 juin 2017.
Ce même jour, la PNC arriva au sit-in et expulsa violemment la population en résistance, utilisant des bombes lacrymogènes lancées directement sur les manifestants, causant plusieurs blessés ; de plus, environ 100 personnes furent admises à l’hôpital pour intoxication, dont des enfants. Le 21 juin, la même scène fut répétée, mais cette fois on dénonça également le passage à tabac de quatre personnes par les agents de la PNC.
Le cas de la mine San Rafael n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la violence perpétrée par la police guatémaltèque. Comme le démontre le tableau ci-dessus, durant les derniers mois de l’année 2017 d’autres expulsions et déplacements forcés ont eu lieu contre des populations ou catégories de personnes considérées comme « gênantes » par l’Etat. Néanmoins, un tel exemple atteste qu’il existe une collaboration étroite entre les pouvoirs politico-économiques et les forces armées, ces derniers étant à leur service et prêts à utiliser la force et la violence pour garantir leurs intérêts.
Texte et photos: Laura Kleiner et Tullio Togni (PWS)
Traduit de l’espagnol par Sabrina Bassols (PWS)
Image à la Une: Graffiti trouvé sur la 6e Avenue de la zone 1 de Guatemala City.
[1] https://vocesdeiximulew.wordpress.com/2017/11/15/desalojos-un-elemento-del-escenario-que-le-espera-a-zeid-raad-al-hossein-en-guatemala/