GUATEMALA. On m’avait mise en garde : « la chaleur de l’Orient est étouffante, surtout en cette période de l’année ». C’est donc sous un soleil de plomb que nous frappons à la porte du centre de détention de Zacapa, petite ville de l’Orient, tranquille à priori. Aujourd’hui nous avons rendez-vous avec trois détenus de la communauté de Corozal Arriba. Nous traversons un petit couloir et on nous installe quelques tabourets dans un coin entre deux bureaux. Voilà notre salle de réunion improvisée. Le ventilateur tente péniblement de donner le tour et de rafraichir l’atmosphère, sans succès. Et puis, ils font leur entrée et l’injustice est frappante : Trois innocents placés en détention provisoire pour un crime qu’ils n’ont pas commis.
En effet, dans cette zone frontalière avec le Honduras, se livre une bataille acharnée et sanglante entre une communauté maya indigène et une famille de propriétaires terriens locaux. La récupération des terres est fondamentale pour les populations autochtones. Mais les propriétaires terriens voient d’un mauvais œil ce combat pour la récupération du territoire. Ils tentent donc d’empêcher ce processus et n’hésitent pas à recourir à la violence pour arriver à leurs fins. Cette violence se traduit par la criminalisation de la lutte de ces communautés indigènes : plusieurs personnes sont placées en détention provisoire et attendent le procès depuis bientôt une année.
Le jour du procès approchant à grands pas, la tension se fait sentir. Ils ne se font cependant pas d’illusion. La justice n’existant que très peu dans ce pays – ou du moins pas pour tout le monde – ils sont dans l’obligation d’envisager qu’ils ne sont pas prêts de quitter ces murs. Le ventilateur continue à tourner, la chaleur devient de plus en plus étouffante.
Les conditions de détentions sont déplorables, les règles de la vie en prison sont difficiles. Mais la plus grande préoccupation de ces hommes est ailleurs. Ils pensent à leurs familles vivant dans des situations précaires, à leurs compatriotes qui continuent à lutter pour leurs terres et leurs droits. Une fois la discussion terminée, nous reprenons le couloir le cœur lourd. Puis, nos chemins se séparent : Ils doivent retourner à gauche, dans le secteur des prisonniers. Nous allons à droite, vers la sortie. « Porte toi bien » me dit l’un d’entre eux, un sourire aux lèvres. Les mots me manquent face au cynisme de cette situation.
« La chaleur de l’Orient est étouffante », oui, mais ce n’est rien comparé à l’injustice.
Elodie Sierro, avril 2018, Guatemala
Légende Image de couverture: Région de l’Orient ©ACOGUATE, 2018
A lire : Article sur la communauté de Corozal Arriba publié sur le blog d’ACOGUATE (organisation partenaire de PWS au Guatemala)
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