La liberté sinon rien

GUATEMALA. Dans un article précédent, je vous avais parlé de la communauté indigène de Corozal Arriba, située dans une zone frontalière avec le Honduras, engagée dans la lutte pour la récupération de ses terres et victime de violence et de criminalisation. Je vous avais également parlé d’innocents placés en détention provisoire pour un crime qu’ils n’ont pas commis et dans l’attente du procès depuis une année. Et bien, le jour du procès a fini par arriver. Les accusés ont fait leur déclaration, les premiers témoins ont été entendus et le calendrier des prochaines audiences a été publié. On pourrait penser à priori qu’il s’agit de la dernière ligne droite, mais en réalité, c’est plutôt un marathon qui s’annonce pour les détenus, leurs familles et la communauté de Corozal Arriba.

Un marathon durant lequel les membres de la communauté, et particulièrement les familles des détenus et les autorités indigènes, vont devoir affronter menaces, violences et dangers pour leur vie. A peine une semaine après le début du procès, le calme de la communauté a été perturbé et les premières menaces ont fait leur apparition. En effet, le 6 juin 2018, un groupe de 15 hommes armés a pénétré dans la maison de la maire indigène de Corozal Arriba. Le leader du groupe l’a menacée de mort si elle refuserait de donner des informations sur l’assassinat de trois communautaires ayant eu lieu exactement cinq ans auparavant, soit le 6 juin 2013, et ayant un lien avec le procès en cours. Encerclée par ces hommes, elle leur a courageusement tenu tête : « Vous pouvez me menacer autant que vous le souhaitez, vous n’obtiendrez pas d’information de ma part. Vous n’avez pas honte de me menacer ? »

Revenons sur les faits du 6 juin 2013, date à laquelle la communauté indigène de Corozal Arriba a été reconnue en tant que telle par la municipalité. Ce même jour, quatre individus étrangers à la communauté ont pénétré sur le territoire sans raison apparente. L’un d’entre eux a été retrouvé mort, tandis que trois membres de la communauté – les trois communautaires – ont également été tués. La communauté a rapidement accusé la famille de propriétaires terriens d’avoir introduit quatre tueurs à gage pour se venger de l’accord obtenu avec la municipalité. De son côté, le Ministère Public a émis des mandats d’arrêt contre 17 membres de la communauté pour l’assassinat du supposé tueur à gage. Alors que l’enquête sur la mort des trois communautaires n’a pas avancé, six membres de la communauté sont placés en détention provisoire pour le meurtre du supposé tueur à gage. Parmi les détenus figurent également des autorités indigènes : le président et le trésorier du Conseil des terres et du territoire.

C’est dans ce contexte hostile que la communauté de Corozal Arriba lutte chaque jour pour ses droits. Malgré l’injustice et la pression constante, les membres de la communauté n’abandonnent pas. L’espoir de voir les détenus libres leur donne la force de continuer le combat. On tente de leur enlever leurs terres, on les prive de liberté, on les menace, mais une chose est certaine : on ne leur enlèvera pas leur dignité.

Elodie Sierro, juillet 2018, Guatemala


Légende Image de couverture: Région de l’Orient ©ACOGUATE, 2018

 

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