HONDURAS. Pour ce premier article, que j’aurais du écrire déjà depuis un moment, j’ai vais essayer d’expliquer un peu le travail que nous réalisons ici au Honduras.
L’accompagnement est relativement simple à comprendre. Il s’agit d’assurer une présence physique et internationale auprès des personnes dont les droits humains sont violés ou menacés. Mais une fois que cela est dit, il faut le mettre en pratique. Premièrement, afin de ne pas imposer notre présence, nous avons pour chaque personne, association ou communauté que nous pensions accompagner, organiser une rencontre de présentation. Afin de leur éviter une surcharge de leur emploi du temps, nous nous sommes arrangé, dans la mesure du possible, de coordonner nos visites avec d’autres associations. Cela a été une période riche en apprentissages. Ils nous ont raconté leurs histoires et nous avons pu commencer à les connaître.
Une fois cette première phase achevée, nous avons pu, avec ceux qui nous en ont fait la sollicitation, commencer les accompagnements proprement dit. Il en existe différentes sortes.
La première est l’accompagnement lors d’un processus judiciaire. Cela peut commencer avec une visite à la police pour un dépôt de plainte et se terminer par un suivi du procès. Dans ce cas comme dans les autres, nous ne participons pas directement. C’est à dire que nous nous bornons à prendre des notes et à écrire des articles. Cela peut paraître peu mais cela a un réel effet. A la fin d’une journée de procès, alors que nous saluions les différentes parties, le juge s’est approché de nous, nous a remercié pour notre présence et nous a dit : “ce serait bien si vous pouviez revenir la prochaine fois”. Notre interprétation en a été que, cela lui permettait de juger selon la loi. En effet, même les juges “honnêtes” subissent ici des pressions tant de leur hiérarchie que d’autres pouvoirs afin que leur jugements soient favorables à une partie quelque soient les preuves. Notre présence leur permet donc d’avancer qu’il ne pouvait pas “arranger” la vérité vu que cela allait se savoir à large échelle.
La seconde est l’accompagnement de réunions, manifestations ou autres événements ponctuels. Dans ce cas là, les gens demandent notre présence à cause de menaces directes ou d’un climat qui leur semble propices à des attaques ou à une criminalisation de leurs actions. La présence de l’armée et de la police est souvent une inquiétude pour eux. En effet, il y a ici, une longue liste de personnes qui ont été arrêtées, torturées ou tuées pour leurs actions de défense de leurs droits. Actuellement, il me semble que le sujet le plus sensible dans le pays est celui des mines et de la production électrique. Nous accompagnons différentes communautés qui luttent contre leur expropriation et pour sauvegarder leurs ressources naturelles. L’eau est ici un thème central pour toutes ces personnes qui vivent principalement de la pêche et de l’agriculture. Dans ce cas là également, la présence peut permettre de dissuader les autorités ou les forces de sécurité privées d’agir en dehors du cadre légal. Cela afin d’éviter toute mauvaise publicité. En effet, tant l’État que les sociétés privées, malgré leurs agissements réguliers contre l’intégrité physique et morale des défenseur-e-s de droits humains, cherchent à conserver pour le grand public et pour leurs investisseurs une bonne image.
La troisième est l’accompagnement de personnes. Il s’agit ici d’être au côté d’une personne qui craint pour sa vie. Cela peut se faire soit dès la sortie de son domicile jusqu’à son retour soit pour des voyages qu’elle considère à risque. Nous pouvons également, même si le cas ne s’est pas encore présenté, dormir chez elle afin d’assurer une présence 24 heures sur 24. Le mécanisme de protection fonctionne sur le fait que la vie d’un étranger a une valeur ici alors que celle d’un hondurien n’en a pas. Cette phrase pourra paraître choquante à beaucoup mais c’est une réalité. Dans un pays où se déroulent 11 assassinats en moyenne chaque jour et où le taux de condamnation pour ces crimes est d’environ 5%, le meurtre est un acte bien trop courant et qui n’implique qu’un risque très limité pour son auteur.
Pour finir, le dernier et sûrement celui qu j’apprécie le plus, l’accompagnement de communautés. Pour cela, nous nous rendons pour des périodes pouvant varier de 2-3 jours à 1 à 2 semaines dans les villages. Nous sommes généralement logés chez un des membres de l’association que nous accompagnons. Les raisons sont souvent semblables à celles que j’ai citées dans le deuxième type. Mais il s’agit également d’une forme d’action préventive. Cela permet de faire savoir aux personnes qui cherchent à acheter, intimider, menacer ou tuer des habitants, que ces derniers bénéficient d’un appui international et que leurs agissements vont être connus à l’extérieur de la communauté. J’ai dit que c’était mon préféré car il permet un échange direct et plus égal avec les personnes accompagnées. Les soirées en famille, les matchs de foot ou les discussions sur les barricades permettent de réduire la distance qui s’installe souvent entre les membres des associations et les personnes qu’ils accompagnent. Cela nous permet d’établir un rapport plus proche et plus égalitaire.
Julien Christe, Tegucigalpa le 11 juillet 2018
Photos de Christophe Egger Honduras Juillet 2018